Bernadett Mary Gridelet et Sébastien Russo, au festival d’art brut de Chaumont (région Grand-Est).
© (Photo : Florence Joly)
Trakt, c’est extraordinaire, c’était à côté de chez nous et on ne le savait pas ! s’exclame Michel Pommier, qui a su faire s’épanouir une aventure artistique locale avec ses Chantiers de la Création. Au cœur de ce creuset bouillonnant, la trajectoire fulgurante d’une revue d’art se démarque de bien des façons. Méconnue à Tours, la revue Trakt a pourtant, en trois ans, conquis le monde de l’art brut et singulier. Les musées se l’arrachent, les galeristes la réclament, les artistes brûlent de s’y voir.
À l’œuvre, le très discret Sébastien Russo, qui du fond de son usine, ne pensait qu’à dessiner. Jusqu’au jour où il découvrit Philippe Druillet « Le choc ! » À 25 ans, Sébastien réussit le concours des Beaux-Arts de Lyon; Atteint d’une myopathie évolutive, Sébastien continue pourtant à faire l’ouvrier. Il profite d’un licenciement pour passer un BTS d’illustrateur, à 44 ans. « Au moment où je me suis dit qu’il fallait que je me consacre à ma peinture, j’ai été reconnu en invalidité ».
À Tours en 2010, il rencontre Bernadett. Elle le porte dans cette idée qui mijote depuis longtemps, créer un magazine. En 2017 naît Trakt, le journal de l’art post-brut et néo-singulier « Sans le vouloir, on a créé un mythe, la revue dans laquelle il faut être ; c’est devenu un objet de promotion des artistes ». Certains évoquent même le célèbre magazine américain Raw, comparaison on ne peut plus flatteuse pour Sébastien, très admirateur du travail de sa cofondatrice Françoise Mouly et de ses couvertures du New Yorker.
Pour et par les artistes
Un concept hors normes. Nul arbitrage de critique d’art. Des artistes qui écrivent sur leurs œuvres ou celles de leurs amis. Des histoires. Des interviews décalées. « La femme de Robert Combas a raconté son confinement et m’a envoyé des photos inédites de ses dessins. Je préconise d’écrire comme on le sent, avec sincérité. » Trois numéros par an. Un tirage de 300 exemplaires. Trakt est vendu 10 euros sur internet et dans les musées européens d’art brut. Sébastien et Bernadett cherchent à s’ouvrir sur d’autres médiums. Les partenaires sont bienvenus, « pour que l’on puisse baisser les frais de port et multiplier les tirages, voire le vendre en librairie ».
De festivals en musées, ces passionnés ont réussi à se créer un solide réseau, illuminé par les grands anciens Cérès Franco et André Robillard. Le timing semble jouer en leur faveur : « L’art singulier explose en ce moment et à Tours, on a un beau potentiel ».